C’est une directive européenne de 1995 qui protège nos données personnelles. Sa révision en cours prend en compte une demande croissante des citoyens comme des politiques : le droit à l’oubli.
Le législateur a parfois bien du mal à suivre la marche de l’Histoire. Ainsi, les rédacteurs de la directive européenne de 1995 sur la protection des données personnelles ne pouvaient pas prévoir qu’elles deviendraient un précieux carburant et une monnaie d’échange du web naissant. C’est peut-être pour cela que la Commission européenne travaille sur sa révision depuis bientôt trois ans. Entre temps, avec les réseaux sociaux et l’essor du commerce en ligne, l’histoire personnelle de chaque internaute a laissé ses traces sur la toile : le passé de chacun est désormais dispersé sur de multiples comptes et profils en ligne, espaces personnels, blogs, etc. Recruteurs, compagnies d’assurances et indiscrets peuvent facilement aller chercher sur la toile les hauts faits et les petits écarts de chacun. C’est pourquoi 75 % d’entre nous désire pouvoir effacer eux-mêmes toutes les données les concernant. Le problème, c’est que la plupart du temps, ils ne savent pas quoi est en possession de qui !
En France, le droit à l’oubli a fait l’objet de deux chartes rédigées en 2010 :
- La « Charte du Droit à l’oubli numérique dans la publicité ciblée », qui vise à maîtriser les données de connexion, navigation et géolocalisation utilisées notamment dans les publicités ciblées
- La « Charte du Droit à l’oubli numérique dans les sites collaboratifs et moteurs de recherche », (http://fr.wikisource.org/wiki/Charte_du_droit_%C3%A0_l%27oubli_dans_les_sites_collaboratifs_et_les_moteurs_de_recherche) co-signée par de nombreuses associations représentant les usagers et certains fournisseurs de services en ligne. Parmi ces derniers, Microsoft, Viadeo ou encore Skyrock, mais pas Facebook ni Google qui n’ont fait que participer à son élaboration.
Leurs principaux objectifs :
- Améliorer la transparence sur la collecte des données personnelles et en permettre la gestion par les intéressés
- Eduquer, et sensibiliser le public sur les enjeux de la maîtrise des données personnelles
- Mettre en place des outils de contrôle et de signalement des abus.
Mais tout comme la directive de 1995, cette charte ne suffit pas à offrir à l’internaute la transparence et la maîtrise souhaitées : une grande partie des données concernées transitent par des serveurs situés en dehors de la juridiction européenne et les garanties offertes par les sociétés concernées sont loin d’être suffisantes. On comprend donc la nécessité d’une mise à jour de la réglementation à l’échelle européenne. Cette dernière fait l’objet d’un intense lobbying de la part notamment des grandes enseignes du commerce en ligne et du secteur bancaire qui ont depuis longtemps compris et exploité la valeur commerciale des données personnelles. Une autre voix c’est également fait entendre dans ce débat : celle des historiens et chercheurs qui puisent dans les archives la matière première de leurs travaux. Dans le texte en cours de rédaction, des exceptions à l’effacement des données ont donc été prévues. Il s’agit des données « nécessaires à des fins historiques, statistiques et de recherche scientifique, pour des raisons de santé publique, pour l’exercice du droit à la liberté d’expression ou lorsque la loi l’exige« .
Le droit à l’oubli est donc encore en devenir, et sa formalisation législative est en marche. Une marche lente cependant : le texte examiné cet été par le Parlement Européen en vue de son adoption fin 2014 n’entrera en vigueur que deux ans plus tard.
Depuis cet article, Google a lancé un formulaire en ligne qui permet de supprimer des informations personnelles des résultats de recherche.
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