Le mot n’est apparu que récemment au grand public dans les nouveaux services proposés par Apple, pourtant le Cloud, qui signifie nuage en anglais, se forme depuis longtemps au-dessus de nos têtes, et il s’apprête à engloutir une bonne partie de nos vies !
Lire l’article dédié : Quel sont les avantages et les inconvénients du cloud computing pour votre entreprise ?
Le nuage, c’est tout d’abord une image du réseau internet, une autre manière de parler du « cyberespace » : un espace qui serait totalement dématérialisé, mais où l’on pourrait stocker des données, données qui seraient accessibles à tout moment. En réalité, le nuage a une existence physique bien réelle, ce sont des parcs de serveurs interconnectés localisés n’importe où dans le monde.
Tout commence dans les années 1950, avec la naissance de l’informatique. A l’époque, les ordinateurs étaient des machines grosses comme des armoires normandes. Les utilisateurs utilisaient leurs compétences via des terminaux sans application ni capacité de stockage, qui ne faisaient que poser des questions et recevoir des réponses. A l’époque, on envisageait donc l’évolution de l’informatique de cette manière : de gros serveurs, équivalents de nos nuages d’aujourd’hui, et des terminaux. Avec la miniaturisation des processeurs, l’ordinateur personnel a pu se libérer des serveurs : le marché des applications est apparu, et chacun a pu acheter ses logiciels, puis traiter et stocker chez lui sans dépendre d’un serveur distant. Cette évolution fut considérée comme un progrès vers l’autonomie. Chacun s’est donc équipé d’ordinateurs, puis de disques durs où sont venus se ranger d’abord les comptes, puis les photos, puis des vidéos. Aujourd’hui, tous nos documents personnels sont répartis dans de multiples disques durs et nous réalisons que leur sécurité n’y est pas garantie. Par ailleurs, le volume de nos photos, de nos musiques et de nos vidéos ne cesse de grandir, leur accès devient plus toujours plus difficile. Et c’est là que réapparaît notre nuage avec des airs salvateurs : il ne s’agit plus aujourd’hui de centraliser la capacité de traitement, mais de se substituer aux capacités de stockage locales.
Bien sûr, il était déjà là, caché dans nos messageries et dans nos profils de réseaux sociaux : ils sont hébergés par nos fournisseurs d’accès et les sites en question, et le nuage contient donc déjà notre courrier et nos comptes personnels.
Puis de nouveaux services pratiques sont apparus, tels dropbox, qui nous proposaient de partager sur toutes nos machines le même dossier stocké dans le nuage. Leur promesse principale était déjà celle de tous les services de Cloud d’aujourd’hui : « Vos données accessibles partout dans le monde, quel que soit l’ordinateur que vous utilisez ! ». Les premiers services gratuits étaient limités à quelques gigaoctets. Les capacités des offres payantes actuelles ne cessent d’augmenter, tout comme la taille des parcs de serveurs associés, ce que pose d’ailleurs déjà de gros problèmes environnementaux. Désormais, tous les grands fournisseurs de services du web vous proposent leur beau nuage tout rose où vous pourrez bientôt stocker toutes vos photos, vidéos, musiques, souvenirs en tout genre, tous vos comptes, bref, toute votre vie numérisée ! Finis les disques durs fragiles, les données perdues sur un vieux cd, une ancienne disquette, les longs transferts d’une machine à l’autre !
Si les offres alléchantes se multiplient, c’est bien que l’enjeu commercial est colossal, à la mesure du degré de dépendance que créent ces services. On nous présente d’ailleurs le nuage comme une évidence incontournable, une évolution naturelle issue des nouveaux usages nomades.
Pourtant des voix s’élèvent ici ou là pour critiquer ce nouvel Eldorado numérique. Richard Stallman, grand défenseur du logiciel libre, affirme que le nuage « est un piège » et qu’il nous enlève le contrôle de nos usages et Steve Wozniak, cofondateur d’Apple avec Steve Jobs, prévoit des « problèmes horribles » à venir avec le développement croissant du Cloud computing et l’externalisation des données. Car la question fondamentale est bien celle-là : sommes-nous prêts à offrir la garde de tous nos trésors personnels à des tiers qui les rangeront dans des lieux inconnus de nous ? Pouvons-nous nous reposer sur de simples contrats commerciaux pour garantir leur sécurité ? Une chose est sûre : ceux qui voudront garder la maîtrise de leur vie numérique en ignorant les séductions du Cloud risquent vite de paraître aussi « ringards » et « paranos » que ceux qui aujourd’hui désertent les réseaux sociaux !
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